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La Cour suprême du Canada tranche : les cadres ne pourront se syndiquer au Québec
Le 19 avril dernier, la Cour suprême du Canada a rendu une décision fort attendue en matière de syndicalisation des cadres.
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Canada | Publication | 10 novembre 2020
Le 5 novembre 2020, la Cour suprême du Canada s’est prononcée pour la première fois sur la portée de la protection contre les traitements ou peines cruels et inusités garantie à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) et plus particulièrement sur les bénéficiaires de cette protection.
Cet arrêt important de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec inc.1 enseigne que les personnes morales sont exclues du champ d’application de l’article 12 de la Charte et, conséquemment, qu’elles ne bénéficient pas du droit garanti à cet article à l’encontre des traitements ou peines cruels et inusités.
En 2016, 9147-0732 Québec inc. (Québec inc.) est déclarée coupable d’avoir contrevenu à l’article 46 de la Loi sur le bâtiment2. Aux termes de la Loi sur le bâtiment, quiconque contrevient à l’article 46 est passible d’une amende minimale obligatoire qui dans le cas de Québec inc. s’élevait à l’époque à 30 843 $3.
Québec inc. a contesté la constitutionnalité de l’amende minimale obligatoire prévue à la Loi sur le bâtiment au motif qu’elle contrevenait à son droit garanti à l’article 12 de la Charte à l’encontre des traitements ou peines cruels et inusités4. Tant la Cour du Québec que la Cour supérieure ont toutefois conclu que les personnes morales ne sont pas visées par l’article 12 de la Charte, le droit garanti à cet article ayant pour objet la protection de la dignité humaine, une notion intrinsèquement liée aux personnes physiques5.
La Cour d’appel du Québec, dans un arrêt partagé, a accueilli l’appel et a conclu que l’article 12 de la Charte s’appliquait aux personnes morales6. En effet, de l’avis des juges majoritaires de la Cour d’appel, le lien existant entre l’article 12 et la dignité humaine ne constituait pas un « obstacle insurmontable empêchant d’étendre la protection qu’offre l’article 12 à une personne morale ou une organisation »7. De plus, selon les juges majoritaires, l’élargissement du champ d’application de cette protection aux personnes morales apparaissait au XXIe siècle être « dans l’ordre normal des choses »8. Le juge Chamberland, dissident, aurait quant à lui rejeté l’appel puisque la notion de dignité humaine – indissociable de la protection de l’article 12 de la Charte – est inapplicable aux personnes morales9.
Les juges Brown et Rowe, s’exprimant pour la majorité des juges de la Cour suprême10, concluent que la protection de l’article 12 de la Charte n’est pas applicable aux personnes morales11. Ils soulignent tout d’abord que la jurisprudence de la Cour suprême sur l’article 12 de la Charte est caractérisée par la notion de dignité humaine12.
De plus, la conclusion voulant que l’article 12 ne s’applique pas aux personnes morales, mais uniquement aux personnes physiques, est également supportée par une analyse des origines historiques du droit garanti à cet article ainsi que par la présence du mot « cruel » dans le libellé de l’article 1213. Sur ce dernier point, les juges Brown et Rowe endossent l’analyse effectuée par le juge Chamberland selon laquelle le « sens courant du mot cruel ne permet pas de l’appliquer à des objets inanimés ou à des entités juridiques telles les personnes morales »14.
Dans la détermination du champ d’application de l’article 12 de la Charte
Les juges Brown et Rowe sont également d’avis que « le fait qu’il y ait des êtres humains derrière la personnalité morale est insuffisant pour justifier la revendication du droit garanti à l’article 12 en faveur d’une personne morale, vu la personnalité juridique distincte de celle-ci »15. Ainsi, contrairement au juge majoritaire de la Cour d’appel, ils rejettent « la proposition voulant que les répercussions de la faillite d’une personne morale sur ses parties prenantes doivent être prise en compte dans la détermination du champ d’application de l’article 12 » de la Charte16.
En droit criminel et pénal
Bien que les juges Brown et Rowe précisent dans leurs motifs que les répercussions de la faillite d’une personne morale sur ses parties prenantes ne sont pas un élément pertinent qui doit être considéré dans la détermination du champ d’application de l’article 12 de la Charte, il n’en résulte pas que les intérêts des parties prenantes d’une personne morale ne seront jamais considérés en droit criminel et pénal.
En effet, les intérêts des parties prenantes d’une personne morale peuvent être considérés à d’autres étapes du processus criminel ou pénal. À titre d’exemple, dans leurs motifs, les juges majoritaires de la Cour d’appel du Québec soulignaient que dans le cadre du processus de détermination de la peine « la loi exige qu’une sanction pénale ou criminelle tienne compte de l’intérêt public », ce qui inclut entre autres « la nécessité d’assurer la viabilité économique de l’organisation et de conserver les emplois »17.
La Cour suprême dans cet arrêt ne se prononce pas de manière générale sur la prise en considération des intérêts des parties prenantes, mais uniquement sur la prise en compte de ceux-ci dans la détermination du champ d’application de l’article 12 de la Charte.
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